C'est au Japon, au milieu du XVIème siècle, qu'est apparue la céramique "Raku". Elle est le fruit d'une rencontre typiquement "zen": d'un modeste potier, Chojiro (1522 - 1591), et d'un lettré, grand Maître du Thé, Rikyu, celui même qui avait élaboré les règles de la cérémonie du Thé.
Rikyiu
lui commanda une série de bols dont la beauté brute et
asymétrique fut vantée jusqu'à la cour de l'Empereur. Emerveillé, ce
dernier accorda au potier et à ses descendants l'honneur de signer
leurs œuvres du sceau portant l'idéogramme "RAKU" , ce qui signifie
"le Plaisir", la "jouissance spirituelle"
http://www.raku-yaki.or.jp/e/history/index.html Le musée du raku à Kyōto. (anglais et japonais)
La dynastie RAKU perpétue encore aujourd'hui la tradition ancestrale à Kyoto et reste attachée à la philosophie Zen dont elle est issue, et dont le représentant actuel est le quinzième du nom : Kichizaemon.
Par contre, le mode de cuisson caractéristique de la céramique Raku, "révisée et corrigée" aux Etats-Unis pendant les années 70, puis exporté plus tard en Europe, s'est vu réapproprié par les céramistes occidentaux et a ainsi beaucoup perdu de ses origines philosophiques.
C'est, aujourd'hui, devenu une technique simple, et un outil de "vulgarisation" - au sens noble - qui permet une démarche créatrice très libre, et offre des capacités d'expression sans limites. Cette technique permet la réalisation de diverses poteries allant du simple bol à la sculpture la plus complexe en passant par des vases, coupes ou toutes créations issues de l’imagination de l'artiste..
Elle
repose sur un principe très
simple C'est avant tout un procédé de cuisson qui fait
subir aux pièces un
choc thermique important. Les réalisations sont façonnées avec une
argile, le
plus souvent de grès, à laquelle on incorpore de la chamotte (plus ou
moins
fine) ou du sable, car ces pièces doivent résister à
de forts écarts de
température.
La
pièce est cuite une première
fois dans un four traditionnel, au gaz, à l'électricité. Après
refroidissement,
elle va être engobée, émaillée, suivant le décor recherché.
Une
nouvelle cuisson au gaz, ou au bois, la
cuisson "Raku" proprement dite, démarre,
le four est
monté en température très rapidement , la pièce vire au rouge, l'émail
est en
fusion. A ce stade, les pièces sont sorties du four, à l'aide de pince,
à une
température entre 900 et 1040 °C. Elles sont alors rapidement
recouvertes
de matières inflammables naturelles comme de la sciure de bois, des
copeaux, de
paille, compactée afin d'empêcher la combustion en limitant l'apport
d'oxygène
au contact de l'émail en fusion.
Sous l'effet de la chaleur, les copeaux s'enflamment et brûlent en noircissant à coeur, les zones non émaillées, le carbone souligne les craquelures que le choc thermique a dessinées dans l'émail. Les émaux contenant des oxydes (cuivre, fer) ou nitrates vont alors s'iriser de différentes couleurs et de reflets métalliques.
"Le Raku est facile
d'accès. Peu de matériel
nécessaire supprime les barrages et peut inviter à une toujours plus
grande
simplification. Mais une technique pauvre a besoin en contrepartie d'un
engagement personnel plus grand." (Camille Virot - Dossier Raku)
Le mode de
cuisson Raku a ma préférence parce qu'il
me permet le suivi, l'accompagnement continu de mes pièces, je suis
acteur
concentré de l'expérimentation, je règle la montée en température, je
surveille
la flamme, j'écoute le ronflement du brûleur à gaz, je guette l'émail
se
boursoufler puis se tendre. Un peu après, au bout des pinces,
d'instinct, je
joue avec le vent ou le froid pour créer la craquelure, puis j'étouffe
la
flamme avec les copeaux, là un peu moins, ici, un peu plus. J'attends,
je
reviens et relance la réduction, puis enfin nettoie, frotte, découvre
mon
travail, surprend la part du feu, la part du hasard.
A la fin
d'une journée de cuisson, la fébrilité
retombe, apaisée et épuisée de ces heures en attente, comme en apnée.
Le Raku
c'est aussi la leçon de rester toujours ouverte à
l'inattendu, les
nuances exceptionnelles, les rouges profonds de cuivre, le mi-or,
mi-argent des
lustres qui joueront avec la lumière, l'échelle de craquelure juste sur
une
arrête, mais aussi à la fêlure, l'émail bullé, le décollement
ou la
réduction insuffisante.
La pièce finie ne trouve pas de réplique, elle est chaque fois unique.